Follow me:
Vania Comédie Française blog quatrième mur blog théâtre critique avis

Vania à la Comédie Française, ou l’insoutenable intemporalité du malheur

Il me semble que vous devriez comprendre que ce qui perd le monde, ce ne sont pas les bandits, ni les guerres, mais les haines, les inimitiés, toutes ces petites querelles sordides… – Oncle Vania

 

La salle est coupée en deux dès que nous pénétrons dans le théâtre. Dans cette mise en scène de Vania, Julie Deliquet s’intéresse avant tout à l’intemporalité de la situation et nous impose témoins du huis-clos qui va suivre. Dans ce Tchekhov, point de samovar ou de costumes d’époque. Ici, nous sommes à Paris, à St Pétersbourg ou à Berlin, nous sommes en 1900 ou en 2017, nous sommes au théâtre ou à notre dernier dîner en famille.

Vania, la vie malgré tout

Alors la brutalité et l’âpreté de la pièce apparaissent dans toute leur splendeur au Vieux Colombier. Ici, chaque personnage est une vraie personne. Il est de l’Oncle Vania comme de ces vieilles tantes un peu abandonnées par la vie, dont l’abus de sacrifices viennent noircir des repas de famille à Noël. Laurent Stocker est cet oncle perdu dans ses paradoxes, conscient d’avoir raté quelque chose à son existence sans trop savoir comment la reprendre en main. Amoureux déçu, travailleur sacrifié, intellectuel ignoré, il donne une humanité touchante et douloureuse qui colore la pièce d’une sensibilité terrifiante.

Vania Comédie Française blog quatrième mur blog théâtre critique avis

Laurent Stocker

Et puis il y a tous ces autres personne(ages). Stéphane Varupenne incarne un séduisant mais misanthrope médecin de campagne (« Moi, je n’aime personne ») qui a pourtant beaucoup de mal à quitter Elena (Florence Viala), dont la jeunesse semble déjà flétrie par l’existence. Beaucoup d’émotions également à redécouvrir Anna Cervinka, dont l’interprétation de Sonia sonne si juste et si vrai qu’il est difficile de ne pas frissonner lors de sa réplique finale. Toute la troupe signe ici une interprétation criante de justesse qui résonne par sa frappante universalité, du dégoût de la laideur, de la vieillesse ou de la maladie à l’effort sans reconnaissance ou la douleur d’aimer sans retour ou de ne savoir aimer.

vania comédie française critique avis théâtre blog theatre quatrieme mur(1)

A la recherche d’un bonheur indéfini

Il y a d’ailleurs dans le texte de Tchekhov une quête presque insensée du bonheur qui est à mon sens très bien développée par Julie Deliquet. « C’est mieux l’incertitude, il y a encore de l’espoir », déclare Sonia. Il y a dans chacun de ces personnages une tension telle sur la définition du bonheur ou de l’absence de bonheur que nous assistons en témoins impuissants à une peinture désespérée de ces personnages presque cyclothymiques qui se battent contre des ascenseurs émotionnels difficiles à gérer. Passées la révolte, l’envie de meurtre ou de suicide, ne reste que la vie amère et crue, comme la lumière qui éclaire la table et la salle. Car dans la recherche du bonheur, les larmes de rire et de tristesse se mélangent souvent.

On regrettera uniquement quelques longueurs sur certaines scènes ainsi qu’un début en matière un peu lent. A vouloir rendre la fiction réelle avant même que le spectacle ne commence, avant même que les spectateurs soient assis, les premières répliques sonnent un peu faux.

Mais la richesse du texte, épuré de ses éléments trop russes et modernisé par le travail d’improvisation laissé aux comédiens, permet à la Comédie Française de proposer un Oncle Vania original et touchant, qui séduira amateurs et néophytes de Tchekhov. Une belle réussite !

Avis : ★★★★

Vania d’après Tchekhov, au Théâtre du Vieux Colombier jusqu’au 12 novembre 2017

 

Mes autres critiques :

 

 

[amazon_link asins=’2253039926,2080712454,B00Z7CAWRW,2729824065′ template=’CopyOf-ProductGrid’ store=’quatriememur-21′ marketplace=’FR’ link_id=’89e2b847-c26d-11e7-99a2-3b747807f965′]

 

 

 

 
Previous Post Next Post

Vous pourriez aussi aimer

5 Comments

  • Reply Quatrième Mur - 12 hommes en colère, un doute au Théâtre Hébertot

    […] senti que quelque chose n’allait pas. Après une incroyable utilisation du plateau avec Vania qui, sur le même principe, propose un huis-clos autour d’une table, ici, point de table pour […]

    08/11/2017 at 20:49
  • Reply Quatrième Mur – Blog Théâtre - "Fanny et Alexandre" à la Comédie-Française, une grande déclaration d'amour au théâtre - Quatrième Mur - Blog Théâtre

    […] avait quitté Julie Deliquet avec sa mise en scène de  Vania , inspiré de Tchekhov. Elle revient sur la scène de la salle Richelieu tout en finesse, en […]

    13/02/2019 at 17:27
  • Reply Quatrième Mur – Blog Théâtre - Vivant, trop vivant : le théâtre pendant le confinement - Quatrième Mur - Blog Théâtre

    […] Jungers dans le Petit Prince, re-grincer des dents devant les Damnés ou le monologue de fin de Vania ou juste chanter avec les différents cabarets. Ce n’est pas que la pièce que j’ai pu […]

    17/05/2020 at 17:29
  • Leave a Reply