Vous savez qu’il faut régler la bride assez court avec tout ce qui est décorateurs, scénographes, dramaturges aussi. Tous ceux qui ont tendance à avoir trop d’avis. Il faut s’en tenir au texte de l’auteur, plutôt. Vous voyez ? Chez moi, c’est simple, tout est indiqué. Il n’y a plus qu’à jouer la partition. – Coupes Sombres
Quand une metteure en scène, qui a plutôt l’habitude d’être libre de ses choix artistiques, et notamment de ses coupes de texte, se lance dans une aventure théâtrale avec un auteur vivant, l’histoire n’est plus si simple. Anne Kessler s’empare avec brio du texte de Guy Zilberstein qui questionne la place de l’auteur dans l’appropriation de son texte par ceux qui vont l’interpréter. Une heure délicieuse de théâtre, sur le théâtre, pour le théâtre.
Coupes sombres : une déclaration d’amour sous forme de métaphore
Sur scène, 3 personnages seulement : une metteure en scène (Anne Kessler), un auteur (Serge Bagdassarian) et un bûcheron (Pierre Hancisse). Coupes sombres s’ouvre sur une explication très sylvicole : qu’est-ce qu’une coupe ? La métaphore s’installe sur la scène : il sera ainsi question de texte et de coupes textuelles pendant une heure. Et c’est court, une heure, pour se mettre d’accord quand on a des avis si divergents ! Alors qui doit avoir le dernier mot : l’auteur de la pièce ou le co-créateur imposé qui s’en empare pour la transposer sur scène ?
Le texte de Guy Zilberstein est particulièrement succulent et pose des questions fascinantes. Quel droit peut s’arroger un.e metteur.e en scène face aux choix littéraires d’un auteur ? Quelle place peut prendre l’auteur encore vivant dans la construction d’un spectacle qui répond à la lecture que va faire le metteur en scène ? Quelles sont les limites de l’acceptable pour les deux partis ? C’est ce combat entre deux visions, deux personnalités, deux métiers et deux sensibilités qu’Anne Kessler met en scène et interprète avec brio.
Avec Serge Bagdassarian, ils font un duo frappant de sincérité et de finesse. Touchant, parfois arrogant, ce ping-pong intellectuel est aussi vivifiant que drôle. Coupes sombres est une pièce qui aurait certainement fait sourire Roland Barthes. Est-ce que la naissance du metteur en scène « doit se payer de la mort de l’auteur ? » Guy Zilberstein pose la question et Anne Kessler y répond avec finesse et humour. Une pièce pour les amoureux des lettres et du théâtre.
Avis : ★★★★★
Coupes sombres, mise en scène Anne Kessler, Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 15 avril 2018
Mes autres critiques :
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