« Et si c’étaient eux ? Et si c’était vous ? Et si c’était nous ? » — Et si c’étaient eux
Alors que le débat de l’âge de la retraite s’apaise à peine, Christophe Montenez et Jules Sagot, du haut de leur trentaine, s’emparent du sujet des retraites (et de leur financement) et du grand âge avec « Et si c’étaient eux ». Avec des comédiens vieillis pour l’occasion, voici un OVNI théâtral programmé au théâtre du Vieux Colombiers en tout point magistral.
« Et si c’étaient eux« , combo infernal du grand âge et de la télévision
« Et si c’étaient eux » parle d’une angoisse existentielle : le grand âge. Les bouches se tordent, les pas sont lents, les oreilles soudes et l’esprit parfois ralenti : toute la panoplie de la vieillesse. On y retrouve également la rage de continuer à vivre, la quête pour la dignité ou la difficulté de trouver du sens à cette vie que l’on voit progressivement s’achever. Alors comment garder le cap ? Par le financement. Ici, nous suivons la maison de retraite de Pont-aux-Dames, vraie maison fondée en 1903 par le sociétaire Coquelin. Maison de retraite dédiée aux comédiens, notamment ceux de la Comédie-Française, cette dystopie écrite par Montenez et Sagot (collectif les Bâtards dorés) propose un financement original : un concours organisé par l’Etat entre différentes maisons de retraite. Les vainqueurs pourront être financés, les autres devront passer à des forts à but lucratif, dont le modèle ORPEA ne cesse de nous rappeler combien il peut être cruel.
Et il y a pourtant cette phrase si belle de Coquelin :
Je veux les voir mes vieux comédiens à cheveux blancs, groupés ensemble dans un asile fleuri, comme les abeilles d’une ruche, avec cette différence que les abeilles travaillent et qu’eux ne feront plus rien.
Laurent Stocker (absolument génial) interprète alors le présentateur de ce jeu télévisé dans lequel les acteurs vieillissants (voire carrément impotents) défilent, acte après acte, pour tenter de défendre leur modèle social. Et plus encore, pour préserver leur droit de mourir dans l’amour et la dignité. Derrière des blagues parfois potaches se cache la fureur d’une époque qui ne sait plus comment prendre soin de ses aînés, et les premiers contacts avec la mort. Le monologue de Julie Sicard restera dans les mémoires comme l’un des moments les plus poignants de cette pièce.
On rit (jaune), on pleure face à cette mort inéluctable, et on en vient à se dire qu’on aimerait que ces comédiens, derrière leurs prothèses superbement bien faites, parviennent à arrêter le temps. Et si c’étaient eux est un coup de poing dans l’estomac, mais surtout un coup de cœur.
Avis : ★★★★★
Et si c’étaient eux, texte et mise en scène Christophe Montenez et Jules Sagot
Comédie-Française, jusqu’au 5 novembre 2023
Photo : Vincent Pontet
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