« Je ne parle pas tout à fait de vous. Je parle des pauvres petites qui ont trouvé la mort dans cette eau noire. » Fanny et Alexandre
On avait quitté Julie Deliquet avec sa mise en scène de Vania , inspiré de Tchekhov. Elle revient sur la scène de la salle Richelieu tout en finesse, en délicatesse et en émotions avec une adaptation théâtrale du film Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman. Un coup de coeur !
Fanny et Alexandre, une déclaration d’amour au théâtre
La scène de théâtre… est un théâtre. Julie Deliquet propulse l’action de Fanny et Alexandre entre les murs du Français. Coulisses ouvertes et décors apparents donnent à cette première partie un air de Règle du Jeu. Autour d’une fête de Noël qui prend des airs de banquet, les comédiens jouent dans tous les sens du terme : il y a de la joie, de la malice, beaucoup de complicité entre les comédiens vedettes (Elsa Lepoivre est rayonnante, Laurent Stocker délicieusement infâme) et les jeunes recrues de la troupe. Les frontières sont volontairement floues entre la réalité du monde que l’on fantasme entre les murs de la Comédie-Française et le jeu sur le plateau. Cela va jusqu’au décors : le lit vient Romeo et Juliette, la malle est celle de La Tempête, les toiles de fond de Cyrano… Quel théâtre est-ce véritablement sous nos yeux ? C’est la patte de Julie Deliquet : proposer une écriture de plateau qui laisse beaucoup de place à l’improvisation, et donc à l’expression de ses comédiens.
La deuxième partie, elle, tourne rapidement au conte. Les heures heureuses de la famille qui est aussi troupe de théâtre sont derrière nous. Le père (magnifique Denis Podalydès) est mort, la troupe est abandonnée et l’épouse s’est remariée avec un austère homme d’Eglise (glaçant Thierry Hancisse). Qu’ils paraissent loin, les lanternes, les spots de théâtre, les costumes et les blagues potaches. Servie par une scénographie (signée Eric Ruf) sombre et enfermée, violence et histoires de fantômes deviennent le quotidien des jeunes Fanny et Alexandre. Derrière l’amour d’une mère s’expriment la rancoeur, la violence de l’adolescence et de la rebellion. Jean Chevalier incarne un Alexandre particulièrement émouvant, écrasé par un beau-père autoritaire.
Jouant avec le réel et la fiction pendant presque 3heures (les monologues sont particulièrement parlant en ce sens : sont-ils une interruption de la pièce ou la pièce elle-même ?) Fanny et Alexandre est une pièce jouée de main de maître par une troupe nombreuse mais en parfaite harmonie, qui s’amuse autant qu’elle nous amuse et nous glace tendrement le sang en n’oubliant pas l’essentiel : que le monde est un théâtre et que c’est bien l’imaginaire qui, à la fin, gagne. Une pièce coup de coeur !
Avis : ★★★★★
Fanny & Alexandre, mise en scène de Julie Deliquet, Comédie-Française
Jusqu’au 16 juin 2019
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3 Comments
[…] Fanny & Alexandre […]
01/06/2019 at 23:06[…] Fanny & Alexandre […]
05/10/2019 at 22:15[…] Fanny et Alexandre, de Julie Deliquet, à la […]
31/12/2019 at 15:09