« Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose ! « – Le Bourgeois Gentilhomme, Molière
Pour ce 400e anniversaire de la naissance de Molière, la Comédie-Française frappe fort avec une programme largement consacrée au maître des lieux. A cette occasion, Valérie Lesort et Christian Hecq s’emparent de ce classique qu’est Le Bourgeois Gentilhomme, dans une mise en scène survoltée et moderne, qui rend non seulement hommage au texte de son hauteur, mais lui donne un élan de modernité inégalable. Il y aura définitivement un avant et un après ce Bourgeois Gentilhomme déjà culte !
Un Bourgeois Gentilhomme classico-punk, dans une mise en scène réjouissante
Après une superbe intro musicale qui donne le la, la scène s’ouvre sur un décor résolument gothique, à la frontière entre Tim Burton et la famille Adams. Ce Bourgeois Gentilhomme sera résolument moderne, parfois même punk. En bourgeois gentilhomme, Christian Hecq fait rire avant même d’avoir ouvert la bouche. C’est dire combien son potentiel comique, qui n’est plus à démontrer pour ce grand acteur, fait mouche. Corps extensible, gestuel ridicule, petite moue hautaine : il y a dans son Monsieur Jourdain toute l’arrogance du nouveau riche, et toute la tendresse de celui qui n’a pas encore les codes.
Les autres personnages ne manquent pas de couleur : les maîtres de danse, d’armes ou de musique ont autant au fond du coeur l‘amour de l’art que de l’argent (mention spéciale pour Gaël Kamilindi, félin en maître de danse), Madame Jourdain (Sylvia Bergé) est parfaite en Cruella au coeur tendre, et le duo Dorante (Clément Hervieu-Léger) / Covielle (Laurent Stocker) particulièrement savoureux dans leur façon de piéger Monsieur Jourdain.
La scénographie, gothique en première partie, repeinte de doré façon Versailles bling-bling en seconde partie, embarque le public dans cette recherche absurde de célébrité (on n’est plus si loin des influenceurs à Dubaï), tandis que des caisses sur roulettes, construites avec une grande ingéniosité, deviennent tour à tour un catwalk, un tableau d’école, une piste d’escrime ou encore un table de buffet. Cette sobriété contraste avec les raffinements recherchés des panneaux du fond de scène, et font de ces décors une véritable réussite. On notera la présence de marionnettes si chères à Valérie Lesort et Christian Hecq, dont les 20 000 lieues sous les mers avaient été une si grande réussite.
Dans un ballet de rires, de cris et de coups, de morceaux de musique portés par un orchestre flamboyant, et de saut, ce Bourgeois Gentilhomme ravit, fait rire autant qu’il émeut (on ne peut s’empêcher d’un peu d’empathie envers ce Monsieur Jourdain au fond aussi ridicule que touchant), et fait preuve de scènes déjà cultes, notamment ce final avec le tant attendu Grand Mamamouchi.
Une nouvelle fois, la Comédie-Française fait mouche, avec une distribution parfaite, une énergie qui fait du bien et un texte qui n’a pas pris une ride. Une magnifique création, et un hommage à la hauteur de l’institution au maître des lieux.
Avis : ★★★★★
Le Bourgeois Gentilhomme, mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq
La Comédie-Française, jusqu’au 25 juillet 2022
Photo : Christophe Raynaud de Lage, collection Comédie-Française
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