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Représentation à la Colline, théâtre national, Paris. Mercredi 8 mai 2019.

Dompter le destin avec « Fauves » à la Colline

« C’est de ça dont je vous parle, l’étranglement de la corde autour du cou naïf qui ose encore offrir forêts, clairières, mers et savanes à ceux pour qui le désert est devenu la norme. » Fauves

 

On avait quitté Wajdi Mouawad fin 2017 avec Tous des Oiseaux, une quête familiale tourbillonnante. Fidèle à ses obsessions, Mouawad signe une nouvelle oeuvre écorchée, poursuivant son infinie quête identitaire dans la violence et lutte contre son propre destin. Jusqu’à l’écoeurement.

Le destin des Fauves en double hélice

Comme dans tout Mouawad, tout commence et se termine souvent au coeur d’une famille déchirée. Dans Fauves, à la mort de sa mère, un fils, Hippolyte Dombre, réalisateur de films, décide, après avoir appris que sa mère était mariée 2 fois, de partir à la recherche de son deuxième père et véritable généiteur de l’autre côté de l’Atlantique. Il s’appelle Isaac de la Providence et son nom n’est pas gratuit. De cette rencontre s’ouvre une éternelle boîte de Pandore : meurtres, mensonges, trahisons, incestes, suicide… En cherchant à remonter la corde de son passé, c’est plusieurs générations qui s’empoisonnent, parfois en effet domino. Mouawad ne fait pas dans la dentelle quand il parle de drames familiaux : c’est très simple, tout y passe.

La construction narrative ici particulièrement intéressante car bâtie en double hélice. Comme un ADN. C’est en partie ce qui explique la durée (3h30) de la pièce. Quand on croit en avoir terminé d’une scène et que l’on avance dans l’histoire, on est tout de suite tiré en arrière pour assister à nouveau, sous un angle différent, à ce que l’on vient de voir. Si cette construction détonne un peu au début, elle devient vite un élément original absolument indispensable pour comprendre la pièce. C’est qu’il n’y a pas de fil d’Ariane pour se guider quand on part en quête de sa propre identité.

 

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Fauves : ombres & providence

La scénographie est, une fois de plus, particulièrement léchée. Les décors tournent sur eux-mêmes avec une grande intelligence, l’harmonie musicale rend bien compte des tourbillons dans lesquels sont enfermés les personnages et la création lumière est très réussie. Mouawad offre ainsi une fresque théâtrale dense, intense, agressive, pleine de noirceur mais avec toujours une once d’espoir. 

Pour autant, la pièce est moins convaincante que ses précédentes créations. La liste des ombres, des agonies est quasiment exhaustive. S’il est vrai que l’être humain ne manque jamais d’imagination quant il s’agit de faire le mal, volontairement ou involontairement, l’enchaînement proposé par Mouawad devient vite indigeste. Quand en 30 minutes s’alignent un inceste, un infanticide, un viol, un suicide, des nazis et un peu de matricide, on finit par se dire que la fresque théâtrale s’est transformée en musée des horreurs. A trop vouloir nous montrer leur enfer, la pièce perd sa subtilité.

Reste en fin de spectacle une gueule de bois de l’espace (oui, on va aussi sur Mars dans Fauves), avec ce verre de trop qui donne un peu la migraine.

 

Avis : ★★★★

Fauves de Wajdi Mouawad, à La Colline jusqu’au 21 juin 2019

 

 

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