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« Interdit au public », visite dans les coulisses de la Comédie-Française

Derrière chaque panneau « Interdit au public » ou « accès réservé au personnel » se cachent des secrets qui ne cessent d’alimenter les fantasmes. La Comédie-Française, par son histoire, son héritage et ses particularités, n’échappe pas à la règle. Comment fonctionne véritablement cette Ruche dont on ne connaît finalement que la salle de spectacle et les espaces réservés au public ? Tous les week-ends, le théâtre ouvre ses portes pour une visite guidée, au plus grand bonheur des amoureux de la maison qui poussent enfin les portes interdites.

Histoire et mémoire de la Comédie-Française

La visite commence dans l’ancienne entrée des artistes, au pied de deux escaliers mythiques. L’un était, à l’époque, réservé aux pensionnaires, l’autre aux sociétaires. Dès les premières minutes, l’impression d’être au cœur d’un musée vivant envahit les visiteurs qui se font les plus petits possible. Nous n’avons pas le droit d’être ici, c’est un petit privilège que la Comédie-Française organise et nous ne voulons pas en abuser. Pas de photo autorisée (vous n’aimeriez pas qu’on vous prenne en photo dans vos bureaux non plus!) mais une succession de lieux et de petites anecdotes qui font tout le charme du moment. L’imposante statue de Talma ouvre le bal de notre visite. Notre truculente guide se lance alors dans l’histoire de la Comédie-Française, de sa fondation en 1680 par ordonnance du roi, qui souhaitait réunir la troupe de l’Hôtel Génégaud et celle de l’Hôtel de Bourgogne qui se faisaient concurrence dans Paris. Et quand le roi ordonne, les sujets font. Ainsi naît la Comédie-Française et peuvent commencer les premières révolutions. Celles des costumes, des mises en scène, du public, de la religion également. La Révolution Française gronde et menace les Comédiens qui survivent de justesse grâce à la complicité d’un gardien de la Bastille.

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Statue de Talma par David Angers et escalier des pensionnaires. Photo Morgan Fache/Collectif Item pour La Croix

Et si la visite commence par le visage du tragédien Talma, avec son air napoléonien, représenté en tenue antique car c’est lui qui imposa sur scène des costumes qui servent la pièce et non la richesse du comédien, il est vite rejoint par de gigantesques tableaux de Rachel. Rachel, c’est LA tragédienne et son regard nous suivra sur tous les murs pendant la visite. C’est dire le poids du passé et des illustres comédiens passés dans cette troupe. On y rencontre évidemment Molière (dont le célèbre tableau trône dans le Foyer des Comédiens), LeKain, Mademoiselle Mars ou encore Sarah Bernhardt. Entre ces murs aux faux airs de musée du Louvre et bien plus étroits qu’on ne pourrait se l’imaginer de l’extérieur, il y a l’âme et l’histoire de notre théâtre français.

Comédie-Française Rachel La Tragédie

La Tragédie de Jean-Léon Gérôme. Représentation de Rachel. Tableau accroché dans les couloirs de la Comédie-Française

La Troupe, le cœur battant de la Comédie-Française

Au pied des escaliers, une fiche annonce l’ensemble des spectacles du jour et le nom du semainier, sorte de délégué en charge de la vie de la Troupe. Le jour de ma visite, c’était Adeline d’Hermy en charge de cette vie collective. Ces détails nous rappellent que nous ne sommes pas dans un musée et qu’ici travaille une vraie compagnie. A de nombreuses reprises, notre guide nous rappellera la force et l’autonomie de cette assemblée de comédiens, en précisant bien que personne n’est à vie comédien du Français, pas même les sociétaires qui peuvent être régulièrement remerciés. En passant devant les bureaux de l’administration, c’est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le fonctionnement. Un administrateur (aujourd’hui, Eric Ruf) est nommé par le Président de la République pour prendre en charge la Maison, de la programmation à l’engagement des artistes en passant par la gestion du budget. Évidemment accompagné par toute une équipe, ces femmes et ces hommes de l’ombre permettent à cette belle institution de continuer à se développer et à créer. A côté du bureau d’Eric Ruf, une énorme plaque de marbre où sont gravés tous les noms de ses prédécesseurs avec parfois des aberrations historiques. La légende se soucie peu des dates. Ironie ou présage, la plaque est désormais complète et ne peut plus aujourd’hui accueillir le nom d’Eric Ruf. A la place, il y a donc un post-it avec un dessin de ses enfants collé sur la porte du bureau. Comme un pied de nez à la tradition.

Le Foyer, le palimpseste de la Comédie-Française

Les portes s’ouvrent encore une par une : foyer Lagrange, du nom de ce comédien proche de Molière qui a laissé par ses registres des témoignages inestimables de l’histoire de cette troupe, foyer du public avec ses statues imposantes et ses bustes illustres, l’escalier principal qui donne sur une vitre sans teint à travers laquelle les comédiens peuvent scruter le public, évidemment la loge présidentielle mais aussi le bureau du conseil d’administration avec son Renoir et les fiches de lecture du Comité de Lecture…Le moment le plus émouvant est peut-être la visite du Foyer des Comédiens.

Foyer des Comédiens. Photo Journal de Boris Victor

Foyer des Comédiens. Photo Journal de Boris Victor

Véritable Saint des saints, le public s’assoit tout intimidé d’être dans un lieu si chargé de vie. On imagine si bien Benjamin Lavernhe s’assoir sur ses canapés entre deux scènes de Scapin, Anne Kessler se réchauffer avec les couvertures Ikéa ou Loïc Corbery regarder le retour vidéo en attendant sa scène. Sur la table, des textes, des mouchoirs, des pots de yaourt ou un jeu d’échecs. Palimpseste ultime d’une maison qui préserve son passé tout en continuant une existence riche et si pleine de vie, on est presque soulagé de sortir de ce Foyer si intime qui ne nous appartient pas. Moment volé d’une valeur inestimable. 

La visite s’achève par un moment dans l’endroit que nous connaissons le mieux, à savoir la Salle Richelieu. Nous sommes enfin « chez nous » mais pas tant que cela. Des techniciens s’affairent à installer les décors des Fourberies de Scapin et notre guide nous raconte comment fonctionnent les ateliers de décors, le stockage de ces impressionnants morceaux de théâtre et les préparatifs autour de chaque pièce. Avec l’alternance, la logistique est quasi-militaire et rien n’est laissé au hasard. La Ruche porte si bien son nom.

Rare sont les théâtres qui permettent une visite aussi intime de ce lieu de vie et de création. Un immense merci à notre guide du jour (dont j’ai hélas oublié le nom!) qui nous a fait vivre une immersion absolument unique au cœur d’un lieu fascinant. Avec une histoire si riche et une troupe si belle, la Comédie-Française n’a pas fini de nous surprendre !

 

Pour réserver une visite historique jusqu’au 22 juillet 2018, cliquez ici.

 

 

Si vous ne pouvez pas assister à une visite guidée, je vous conseille ce magnifique ouvrage qui fera sensiblement le même effet ! Rempli de témoignages, de dessins très réalistes et d’anecdotes, il vous fera voyager Place Colette sans la moindre difficulté.

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