«Je ne supporte pas les gens qui ont des problèmes qui peuvent être résolus.» Lars Norén
Si l’on a l’habitude des histoires d’amour ou des grands conflits dans le théâtre, la question de l’agonie silencieuse (ou très bavarde) de la fin de vie est rarement abordée. Avec Poussière, Lars Norén, dramaturge et metteur en scène suédois, signe une création écrite pendant les répétitions et spécialement pensée pour les comédiens du Français. Avec une sensibilité certaine mais une approche assez déconcertante qui a eu du mal à me convaincre.
Poussière : le triste naufrage de la vieillesse
Ils sont 10 personnages à se partager la scène, 6 hommes et 4 femmes au seuil de la mort, à se retrouver dans un hôtel au bord de la mer (ou dans une institution médicalisée, le doute est permis) et à discuter. Se connaissant sans se connaître, parlant sans s’écouter, Lars Norén propose avec Poussière un texte volontairement décousu et assez difficile d’accès.
« Symphonie des adieux » comme il est précisé sur le programme, le spectateur fait face avec Poussière à l’incroyable naufrage de la vieillesse, dans toute la diversité des parcours. Femme coincée dans son passé, époux violent, mère de famille débordée par une enfant autiste, c’est un panel assez intéressant des différentes formes de vieillissement qui est présenté. Et l’ensemble de ces personnages, qui n’ont pas de nom, parlent sans jamais se répondre. Les phrases s’enchaînent comme de longs monologues mentaux qui ne communiqueraient jamais les uns avec les autres.
Le rythme est lent, saccadé par des mouvements de chaises réguliers qui montrent à chaque fois l’inertie qui les entraîne. Ces mouvements m’ont fait penser à la chanson Les Vieux de Jacques Brel qui dit :
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit. Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit.
L’arrière-scène m’a beaucoup intriguée également. Si j’y ai vu au début un passage dans l’au-delà, plus la pièce avançait et moins je l’ai compris. Je l’ai alors pris comme le symbole du point de non-retour ; celui de l’inconscience quand on a la maladie d’Alzheimer ou que l’on sait que l’on est au seuil de la mort, ce moment où le corps et l’esprit capitulent.
Il y a dans ce texte et cette mise en scène quelque chose de profondément lent et de fondamentalement dérangeant. En témoignent les cris dégoûtés des lycéens qui étaient assis à mes côtés. Hervé Pierre est par exemple formidable en mari répugnant. Il m’a cependant manqué un petit quelque chose pour totalement apprécier et rentrer dans la pièce. Il y a des moments d’une rare beauté et des instants d’ennui profond. Cette longue agonie quasiment existentielle se perd parfois dans son déroulé comme les mots se perdent entre les personnages.
Avis : ★★★
Poussière, mise en scène de Lars Norén, Comédie-Française, jusqu’au 16 juin 2018
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4 Comments
[…] Poussière […]
10/05/2018 at 16:38[…] Poussière […]
10/05/2018 at 23:24[…] Poussière […]
01/12/2018 at 17:52[…] Poussière […]
12/01/2019 at 19:57