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L’Interlope, cabaret sensuel et intime à la Comédie-Française

Le long des berges grises / On voit parfois la nuit / Des ombres indécises/ Frôlant les quais sans bruit – L’Interlope

 

Les cabarets ou les spectacles musicaux à la Comédie-Française sont toujours une grande source de plaisir. Je me souviens de Chansons déconseillées il y a quelques années qui m’avait tant marquée. Avec l’Interlope, Serge Bagdassarian ouvre aux spectateurs les portes d’un cabaret transformiste interlope — c’est-à-dire suspect, mal-famé, de l’entre-deux guerres. Une plongée sans fard mais avec strass et plumes dans le monde sensuel et intime du cabaret homosexuel de l’époque.

Des femmes et des hommes au cabaret Interlope

A l’Interlope, les hommes sont femmes et les femmes sont hommes. Dès les premiers instants, dans l’intimité des loges d’artiste, on assiste à la transformation. Couche épaisse de maquillage, talons hauts ou brassières écrasant la poitrine, la question du genre est posée de manière intelligente : loin de tout débat politique, elle ne concernera que l’amour.

A l’Interlope, c’est Axel (in-cro-yable Véronique Vella) qui tient la maison d’une main de fer. Lesbienne androgyne, elle supervise Tristan, vedette fatiguée du passé (Michel Favory), le pilier de la revue Camille (Serge Bagdassarian) et le jeune premier ambitieux Pierre (Benjamin Lavernhe). Avec une succession de chansons d’époque et de shows à plumes, la troupe nous entraîne dans une subculture homosexuelle pour tous les genres et toutes les sexualités, où l’on parle d’amour de manière claire et poétique, dans l’intimité d’une loge qui se fait boudoir ou d’une salle de spectacle.

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Benjamin Lavernhe

La particularité de cette pièce, c’est de nous entraîner surtout dans les coulisses de l’Interlope. Car si les chansons sont parfaitement bien interprétées (quel plaisir d’entendre Véronique Vella ou de retrouver la voix superbe de Serge Bagdassarian), la subtilité de la mise en scène est dans l’envers du décor. Qui sont ces femmes que l’on redécouvre homme ? Que sont leurs vies à l’époque, leur intégration et leurs angoisses ? Benjamin Lavernhe, dont les jambes interminables sont une quasi-provocation à la gent féminine, interprète ainsi un homme marié qui se travestit le soir, et dont la sexualité ne peut se réduire à une case dans laquelle on aimerait l’enfermer. Il y a dans l’Interlope un souffle très moderne de liberté ; les chansons de l’entre-deux guerres, choisies avec goût, sont étonnement actuelles.

Intimité et sensualité au cabaret

 

 

Et s’il était inutile de le rappeler, l’Interlope confirme une nouvelle fois que les comédiens du Français ont des talents multiples. Plus que de simples comédiens ou des chanteurs confirmés, ils/elles sont de vrais interprètes qui savent faire vivre leurs chansons. J’ai notamment eu la chance incroyable d’être prise à partie par Axel / Véronique Vella le temps de la chanson Ouvre. Axel part à la recherche d’un regard sur lequel se fixer pendant 3 minutes pour offrir une interprétation très sensuelle de cette oeuvre de Georges Zarifi. Moment unique d’intimité entre deux femmes au cours duquel, mystérieusement, l’ensemble du public disparaît. Un souvenir intense que je garderai longtemps en mémoire. 

 

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Véronique Vella

D’ailleurs à plusieurs reprises dans le spectacle, le quatrième mur disparaît. C’est le propre du cabaret que d’offrir une vraie interaction avec le public et Serge Bagdassarian s’en donne à cœur joie, offrant des moments d’improvisation délicieux pour les comédiens et les spectateurs.

Avec des chansons comme « Je te n’aime pas », ou « Le long des berges grises », le cabaret Interlope pose avec une vraie douceur et beaucoup de sensualité des mots sur l’amour homosexuel et sur les tourments de femmes et d’hommes qui vibrent loin des clichés et des obscénités de l’époque. Sur scène, 4 femmes intenses pour les porter et les faire vivre

Costumes créés avec l’expertise du Moulin-Rouge (première rencontre entre ces deux grandes institutions parisiennes qui se croisent rarement), chansons puissamment interprétées et sujets très actuels, l’Interlope est un spectacle sensible et poétique dont on sort heureux et ému. Un véritable coup de coeur.

 

Avis : ★★★★★

L’interlope, Studio-Théâtre de la Comédie Française, jusqu’au 11 mars 2018

 


Pour (re)découvrir certains titres originaux de l’Interlope :

 

Mes autres critiques :

 

 

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