« Tentatrice ou tenté, qui pèche le plus fort, hein ? » Le Fléau d’après Mesure pour mesure, Shakespeare
Après Helsingor, la compagnie Emersion propose une nouvelle expérience de théâtre immersif avec Le Fléau d’après Mesure pour mesure de Shakespeare. Oeuvre créée pour le Domaine du Palais-Royal, au pied du Ministère de la Culture, le public parisien a eu la chance de découvrir un théâtre ouvert à la tombée de la nuit, dans une atmosphère italienne de la Renaissance. Une belle découverte, mais dont l’immersion n’est pas complète.
Le Fléau au coeur de Paris
La pièce se passe dans l’Italie de la Renaissance. Parti en voyage, le duc de Vienne, confie la régence au seigneur Angelo. Honnête magistrat, il se montre pourtant intraitable lorsqu’il exhume une vieille loi et condame Claudio à mort, pour avoir couché avec sa fiancée hors des liens du mariage. Devenu amoureux de la novice Isabella, soeur de Claudio, elle y consent, mais le « retour » du duc, caché à la Cour sous des habits de moine, confondra le régent.
Considérée comme l’une des pièces les plus sombres de Shakespeare, la compagnie Emersion relève le pari, sur le mois d’août à Paris, de mettre en scène et d’interpréter Mesure pour Mesure. Atmosphère hors du temps et subversive, où les fous se révèlent là où on ne les attend pas, le Fléau, par sa construction déstructurée et la simultanéité de la mise en scène, donne à voir ce qu’on ne voit généralement pas sur une scène de théâtre : l’ensemble des strates de la société, en même temps, du duc à la fille de joie.
Comme toute pièce immersive, c’est au spectateur de décider de la pièce qu’il va voir. Muni d’un masque, il peut alors décider de quelle scène suivre à quel moment, aiguillé par des actions qui se répètent ou qui n’avancent pas. C’est le paradoxe du choix du spectateur : il faut se sentir assez libre pour quitter une scène qui, n’apporte pas grand chose à l’histoire pour éviter d’observer un décor lorsque la scène principale se passe à côté.
Dans cette grande cour du Palais-Royal, tout sert de décor : les colonnades, les péristyles, les fontaines. Tout, à tel point qu’il est parfois difficile d’oublier Paris. Paradoxalement, la pièce n’arrive pas à grimper sur la ville et à faire oublier la grande cour. On regrette finalement presque l’intimité et le recoins cachés d’Helsingor, qui n’étaient troublés ni par le ciel de la nuit, ni par les lumières du Ministère. L’immersion, ici, fonctionne dans la construction, mais pas dans le contexte.
Au final, le Fléau est une jolie pièce pour découvrir un texte de Shakespeare moins connu, portée par une troupe de comédiens de grand talent. C’est une bonne façon de découvrir l’art subtil du théâtre immersif, mais ce n’est, à date, pas la même pièce immersif qui existe sur scène aujourd’hui.
Avis : ★★★
Le Fléau, Mesure pour Mesure, de la compagnie Emersion
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Photo ©Matthieu Camille Colin